L’espoir grandissant de pouvoir un jour guérir l’infection par le virus du sida repose de récents progrès : le premier cas officiel de guérison, des résultats encourageants concernant l’approche vaccinale ou la possibilité de faire sortir le VIH de son état de latence chez les patients traités… Doctissimo revient sur ces nouvelles armes anti-sida présentées à l’occasion de la 19e conférence mondiale sur la maladie qui se tient depuis dimanche à Washington.
La secrétaire d'Etat HIllary Clinton s'est engagée le 23 juillet à ce que les Etats-Unis fassent émerger une génération “sans sida“ – © IAS/Ryan Rayburn – Commercialimage.net
La guérison est possiblePour la première fois, “nous avons la preuve qu’il est possible“ d’obtenir une guérison du sida en éradiquant le VIH (virus de l’immunodéficience humaine) ou en le neutralisant de façon durable (comme la
varicelle), a récemment expliqué à l’AFP Françoise Barré-Sinoussi, professeur et prix Nobel de médecine 2008 pour la co-identification du virus.Elle évoquait le
cas de l’Américain Timothy Brown, 47 ans, seul cas connu au monde dont le virus a totalement disparu après une greffe de moelle osseuse en 2007 pour traiter une leucémie1. Le Pr. Delfraissy évoquait ce cas pour Doctissimo en avril 20112.
Le donneur avait des cellules immunitaires mutantes résistantes au VIH, un groupe de personnes très rares qui représenteraient moins de 0,3 % de la population. Cette technique a relancé la piste d’une possible
thérapie génique anti-VIH.“Je suis la preuve vivante qu’on peut guérir du sida“, a dit mardi Timothy Brown dans un entretien avec l’AFP, annonçant sa croisade au sein de sa fondation pour lever des fonds destinés à la recherche.Les greffes de moelle osseuse sont des interventions médicales très lourdes et risquées, soulignent les chercheurs, qui ne peuvent pas être appliquées aux 35 millions de personnes dans le monde vivant avec le VIH, d’où la nécessité de développer un vaccin pour ceux qui ne sont pas infectés et un traitement pour guérir les séropositifs.Le vaccin anti-sida est-il réellement proche ?Compte-tenu des problèmes de financement pour étendre les thérapies antirétrovirales à tous ceux qui en ont besoin, à savoir 15 millions de personnes environ – plus de 8 millions étaient couvertes fin 2011 selon l’Onusida3 -, il sera difficile de faire reculer la pandémie, a expliqué mardi Javier Martinez-Picado lors de la 19e conférence mondiale sur le sida, un chercheur de l’Institut de recherche sur le sida IrsiCaixa, en Espagne4.“Pour chaque personne qui commence une thérapie antirétrovirale, deux sont infectées avec le VIH“, a-t-il dit à la conférence sur le sida qui réunit quelque 25 000 participants et journalistes jusqu’au 27 juillet. Face à ces chiffres, la mise au point d’un vaccin efficace apparaît une urgence. Dans ce domaine aussi, les chercheurs progressent… même si de précédentes annonces prématurées ont déjà douché pas mal d’espoirs. Après l’échec du vaccin testé par Merck en 20075, les résultats de
l’étude conduite en Thaïlande en 20096 avec le vaccin RV144 ont redonné espoir aux chercheurs (les résultats publiés faisaient état d’une réduction du risque d’infection de 31 %). De nombreuses équipes travaillent à développer un vaccin capable d’atteindre au moins une efficacité de 50 %, une chiffre qui selon les modèles mathématiques pourrait avoir un impact majeur sur l’épidémie.Une analyse particulière de l’essai Thai publiée dans le New England Journal of Medicine donne des pistes permettant de savoir pourquoi certains volontaires ont plus réagi à la vaccination7. Une équipe française a mis au point un
candidat-vaccin capable d’induire chez le macaque la production d’anticorps au niveau des muqueuses, qui soient capables de prévenir très tôt l’infection par voie muqueuse, c’est-à-dire avant la multiplication du virus et sa dissémination dans le sang8… Les voies de recherche sont nombreuses et l’optimisme de retour.“Les progrès récents vers la mise au point d’un vaccin préventif contre le VIH ont suscité un réel optimisme dans ce domaine. Les chercheurs du monde entier travaillent actuellement à développer grâce à ces progrès des candidats-vaccins de la prochaine génération afin d’engager les plus prometteurs vers des essais d’efficacité à grande échelle“ a déclaré Margaret McGlynn, président-directeur général de l’IAVI (initiative international pour un vaccin antisida). “Je suis plus optimiste que jamais que le développement d’un tel vaccin est à portée de main. Toutefois, afin de capitaliser sur ces progrès récents, il est essentiel que nous soutenions financement la recherche consacrée à ce domaine“9.La cohorte Visconti offre d’autres pistesOutre le cas de Timothy Brown, une étude menée en France avec 15 patients de la cohorte dite de Anrs EP47 Visconti (Viro-Immunological Studies in Controllers after Treatment Interruption) a montré une éradication du virus.Ces derniers ont eu un traitement antiviral dès le début de leur infection (dans les 10 premières semaines après infection et pendant une durée d’environ 3 ans). Plusieurs années après avoir arrêté le traitement (en moyenne 6 ans), leur charge virale reste indécelable et le niveau de leurs lymphocytes T4, cellules clé du système immunitaire, se maintient à des niveaux élevés. L’étude a fait l’objet d’une présentation jeudi à la Conférence internationale sur le sida à Washington10. Les chercheurs ont montré que le profil de ces patients est différent des “
HIV controllers“, ces patients qui restent asymptomatiques et contrôlent la réplication virale en l’absence de traitement. Ils n’en possèdent ni les caractéristiques génétiques, ni les défenses immunitaires mais comme eux, les réservoirs de virus dormants (virus cachés à l’état latent très difficiles à éliminer) sont très bas. Ces observations suggèrent que le traitement pris très tôt après l’infection limite l’extension de l’infection dans l’organisme et empêche la constitution de réservoirs viraux importants. Ce phénomène n’est pas extrapolable à l’ensemble des infections par le VIH (les caractéristiques immunologiques des volontaires de la cohorte Visconti ne se retrouveraient que chez 10 % des patients) mais il offre de nouveaux indices pour mieux comprendre et demain reproduire le contrôle de l’infection à long terme sans traitement par le système immunitaire.Débusquer le virus de sa tanièreLe professeur Barré-Sinoussi, qui a dévoilé à l’occasion de la Conférence internationale sur le sida
une stratégie mondiale pour mobiliser les talents de la recherche et les ressources en vue de guérir le sida, expliquait que les scientifiques ont beaucoup appris sur les mécanismes expliquant pourquoi le virus reste persistant dans le corps des personnes sous antirétroviraux.L’un des défis thérapeutiques face à l’infection VIH est de réussir à éliminer l’infection latente observée chez les patients dont la charge virale est bien contrôlé par les traitements. Une petite étude clinique publiée dans la revue britannique Nature, menée avec 8 hommes séropositifs sous antirétroviraux, a montré qu’un nouveau traitement contre le
lymphome appelé Vorinostat peut débusquer le VIH quand il se trouve à l’état latent dans le système immunitaire, ouvrant la voie à de nouvelles approches pour le détruire11. Parallèlement, une équipe française a également montré qu’une classe de molécules, les inhibiteurs d’histone-méthyltransférases (des enzymes impliquées dans la répression du VIH) permettent de réactiver ces cellules dormantes pour mieux les éliminer ensuite. L’association de ce composé au Vorinostat aurait un pouvoir de réactivation supérieur à celui des composés pris individuellement12. Ces deux études restent cependant très préliminaires.Grâce à ces nombreux progrès ainsi que
l’efficacité d’une utilisation préventive des antirétroviraux, le programme de la 19e conférence mondiale sur le sida traduit un réel optimisme et avance l’objectif d’éradiquer le VIH. Certains hauts responsables se sont exprimés en ce sens, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton s’est ainsi engagée le 23 juillet à ce que les Etats-Unis fassent émerger une génération “sans sida“13.David BêmeSources :AFP/Relaxnews1 – – Long-Term Control of HIV by CCR5 Delta32/Delta32 Stem-Cell Transplantation – Hutter G et al – N Engl J Med 2009; 360:692-698February 12, 2009
(article accessible en ligne)2 – Entretien du Pr. Delfraissy avec Doctissimo en avril 2001 (
découvrez-en l’intégralité en ligne)3 -“Together we will end aids“ – rapport Onusida juillet 2012 (
accessible en ligne)4 – 19e conférence mondiale sur le sida – Washington – 24 juillet 2012
5 – “ Data from STEP Study Presented at Open Scientific Session Confirm Merck’s Investigational HIV Vaccine was not Effective“ – Communiqué des laboratories Merck
accessible en ligne
6 – Vaccination with ALVAC and AIDSVAX to prevent HIV-1 infection in Thailand. – Rerks-Ngarm S et al – N Engl J Med. 2009 Dec 3;361(23):2209-20. Epub 2009 Oct 20. (
étude accessible en ligne)7 – Immune-correlates analysis of an HIV-1 vaccine efficacy trial. – Haynes BF et al – N Engl J Med. 2012 Apr 5;366(14):1275-86. (
abstract accessible en ligne)8 – Immunization with HIV-1 gp41 Subunit Virosomes Induces Mucosal Antibodies Protecting Nonhuman Primates against Vaginal SHIV Challenges – Morgane Bomsel et al. Immunity 34, 1-12, February 25, 2011 (
abstract accessible en ligne)9 – A decade of progress and sustained funding for HIV prevention research provides a pathway for ending AIDS – Communiqué de IAVI – July 23, 2012 (
accessible en ligne)10 -Distribution of the HIV reservoir in patients spontaneously controlling HIV infection after treatment interruption. IAS 2012 Abstract Numeber 16010 (A30) – 26 juillet (
abstract accessible en ligne)11 – Administration of vorinostat disrupts HIV-1 latency in patients on antiretroviral therapy – N. M. Archin et al – Nature 487, 482–485 (26 July 2012) (
abstract accessible en ligne)12 – Histone methyltransferase inhibitors induce HIV-1 recovery in resting CD4+ T cells from HIV-1+ HAART-treated patients – S.Bouchat – IAS 2012 THPE007 – Poster Exhibition (
abstract accessible en ligne)13 – La secrétaire d’Etat a également annoncé plus de 150 millions de dollars de financement supplémentaire pour lutter contre la maladie.
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